The Bra, comédie de Veit Helmer, Allemagne, 2018, 1.30h. avec Predag Miki Manojlavic et Denis Lavant.
Tourné en Azerbaïdjan, dans des paysages extraordinaires, grandioses, près de Bakou. Le personnage qui va conduire pour la dernière fois le train est d'une grandeur d'âme telle qu'on ne peut pas ne pas voir ce film. Hélas, il ne passe plus à l'Espace Saint-Michel à Paris. Autre caractéristique : il n'y a aucun dialogue. Le film se décrit de lui-même et c'est une prouesse. Denis Lavant qui intervient comme un personnage sorti tout droit d'un cirque habite un ancien wagon de chemin de fer dans lequel il collectionne toutes sortes de machines et invente une musique à partir des sons émis par des instruments imaginaires et inventés. Il succèdera comme conducteur au personnage principal, Nurlan. Or cet homme qui a une vie réduite à son travail où il y dort, rentre de temps en temps chez lui dans les montagnes, dans un village haut perché sur un opidum qui domine la vallée embrumée et les montagnes pelées. Une vision du monde, gigantesque, démesurée, une beauté vierge parcourue par des trains de marchandises pilotés par Nurlan jusqu'à sa retraite puis par son successeur joué par Denis Lavant. Un autre personnage, une femme, aiguilleuse, qui étend son linge sur des fils le long de la voie ferrée. Et un enfant qui vit dans une sorte de niche, solitaire et abandonné, signale l'arrivée du train aux habitants vivant près de la voie qu'ils utilisent pour toutes sortes de choses : jouer aux dominos, étendre son linge principalement, etc. A son coup de sifflet, tout le monde remballe et le train passe. En contre partie de ce service, on lui donne à manger. Un jour, le train emporte un fil à linge où un soutien-gorge séchait et ce vêtement s'accroche à la machine. Nurlan le récupère et le garde. Quand il part à la retraite, on lui remet une médaille et un cadeau, une canne à pèche. Auparavant, il s'était mis en tête de se marier avec une jolie gardienne d'oies et de moutons, mais la mère de la jeune fille n'a pas voulu de lui parce qu'il n'a pas su soulever des poids (genre grosses boules en fonte avec un anneau) : c'était le test. Il repart avec ses cadeaux, dépité autant que le père de la jeune fille et elle-même. Le voilà qui rentre chez lui, dans une petite maison où il n'y a que son lit. Il décide le lendemain d'aller pécher, mais là aussi, une déconvenue : les pécheurs ne veulent pas qu'il se mette à côté d'eux. Il décide donc d'aller trouver la propriétaire du soutien-gorge. Commence alors une quête très drôle auprès des femmes qui étendent leur linge sur la voie ferrée et il en a même un souvenir sensuel d'une femme essayant le sien à travers une vitre lorsqu'il passait avec le train. Impossible de la retrouver. De femme en femme, mariée ou célibataire, sa recherche ne donne rien mais son imagination pour qu'elles essaient l'objet est très comique et parfois risquée. Finalement, le gamin qui s'est fait jeter de sa cabane, l'accompagne et ils retrouvent le fil à linge qui porte une culotte de même textile que le soutien-gorge, mais au lieu d'essayer de connaître la propriétaire, il renonce et accroche le soutien-gorge au fil. Il repart dans ses montagnes suivi du gamin qu'il semble l'adopter. Au final, l'aiguilleuse retrouve son soutien-gorge dont elle ne comprend pas la réapparition.
Des films de ce genre sont rares. Essayez d'en voir le plus possible : ils sont formidables de poésie et de bonté. Par les temps qui courent, on a besoin de réalisateurs de ce genre.